Voici une idée que j’ai souvent vécue comme une tragédie.
Serait-il vraiment indispensable de faire l’expérience d’une profonde solitude pour qu’un dialogue avec soi, véritable et authentique, puisse naître ? Est-il à ce point difficile de faire fi du bruit extérieur, celui des autres, de l’Autre, qu’il faudrait s’isoler, volontairement, durablement, pour avoir une chance de se rencontrer et ainsi faire l’expérience de sa propre vérité ?
C’est une question à laquelle j’échouerai surement à répondre dans cet article et pourtant, je ne peux contenir l’émotion qui me gagne, quand, avec le modeste recul que m’offre mon existence, je suis tentée, en préambule, d’avouer que c’est une question à laquelle j’ai envie de répondre par l’affirmative.
Je me souviens d’une séance avec ma psy il y a quelque temps et d’une conversation que nous avions à propos de la solitude et du terrain fécond qu’elle était en mesure d’offrir (de M’offrir ?). En tous cas, je me souviens de l’émotion vive ressentie lorsque nous évoquions l’idée que, peut-être, la solitude permettrait par définition, de prendre une route, la nôtre, singulière, et que le GPS qui nous guiderait sur son tracé, ne fonctionnerait qu’à l’aide de notre intuition, nourrie de notre expérience, de nos pensées, de nos émotions ou de nos sensations. Que cette solitude, par essence, dépourvue de l’inflexion de l’autre, rendrait possible une certaine pureté dans la trajectoire. Un reflet de l’idéal souhaité, qui nous permettrait, en toute liberté, d’œuvrer pour la réalisation de nos propres rêves.
Cela voudrait dire aussi, avoir le courage de placer ses besoins individuels avant ceux d’autrui. Et aussi agréable, évident, confortable… a priori… que cela puisse paraitre, imaginez un peu.
Une existence au sein de laquelle vous auriez la capacité de vous emparer de votre libre arbitre, et de décider, en toute conscience mais aussi en renonçant à la possibilité de déplacer la responsabilité sur autrui, de la direction à donner à votre vie. Imaginez, cette liberté, totale, qui viendrait s’éprouver dans le périmètre de vos seules limites, de vos seules contraintes, de vos seules croyances.
N’est-il pas grisant de l’imaginer ? Ne ressentez-vous pas aussi un léger vertige ?
Ceux qui ont déjà éprouvé, au plus profond d’eux-mêmes, cette entrave à leur liberté individuelle, dans l’expérience du couple, de la famille, de la fratrie ou encore de l’entreprise, n’auront pas de mal à ressentir ce frisson qui leur parcourt l’échine quand ils s’autorisent à imaginer ce que représenterait cette liberté dont nous serions seuls à dessiner les contours (dans un écosystème global qu’est la société, qui fonctionne avec sa morale et son éthique, et dont on ne peut jamais complètement s’affranchir par ailleurs).
Derrière cette idée, il y a aussi la notion de responsabilité, je l’ai évoqué. Car s’emparer de sa liberté est peut-être l’acte de courage le plus significatif, tant il nous oblige à faire face, en toutes situations, au poids de nos décisions. On peut d’ailleurs se questionner sur notre faculté à éviter cette solitude, ne serait-ce que pour avoir la possibilité, le confort, de partager, de déplacer cette responsabilité de décision vis-à-vis de l’existence, qui, par définition, se façonne à mesure que l’on agit et que l’on choisit.
« Faire et en faisant se faire » disait Sartre. C’est une formule pleine d’espoir, certes, mais qui rappelle avec une certaine éloquence, la responsabilité qu’a chacun de façonner sa vie et de lui donner un cap, par un ensemble d’actions, qui in fine la composent.
À titre personnel, je dois bien avouer que les moments où je me suis le plus trouvée, ont été ceux composés de solitude, synonyme alors, de silence et d’espace. Des moments off, choisis, qui permettent de créer un lien plus étroit encore avec son corps, son coeur et sa tête. Des moments de dialogue, d’écoute, de recul. En psychologie, on appelle ça « la position méta », qui nous permet de – nous – voir, dans notre entièreté, dans notre environnement et à l’écoute de tous les aspects de notre être.
Lorsque l’on vit pleinement ces moments, d’une rare intimité, il est puissant d’observer, de constater et de comprendre le pouvoir de la solitude, qui permet alors cette connaissance inédite de soi. Une sorte d’épiphanie, à la fois effrayante, troublante et tellement émancipatrice.
Alors, me direz-vous, et l’amour dans tout ça ? L’amour amoureux, l’amour d’un enfant, l’amour d’un parent ? Ne permet-il pas de transcender les souffrances et sublimer l’existence ? Je vous l’accorde, et vous propose d’y réfléchir ensemble lors d’un prochain article.
Bonjour Jade, encore un bel article. Je me retrouve à 4000 % dans ton analyse.
Pour moi la solitude (choisie), n’est pas contradictoire avec la vie avec (chéri(e), enfants, famille, ami(e)s). On est pas toujours dans un processus de prise de décision qui met en jeu notre avenir immédiat ou plus éloigné. On peut aussi être dans l’instant présent et s’épanouir ( donc se connaître) avec les autres.
Hâte de lire ton prochain article !
J’ai été attirée par le titre de l’article car c’est une question qu’on se pose tous au moins une fois dans sa vie.
Je dirais que lorsqu’on grandit enfant unique, parents stricts donc peu d’amis à la maison, pas de petits amis… la solitude on connaît bien ! et oui elle permet de se connaître mais mal ou pas suffisamment. On se crée un caractère, on prend des décisions qui ne vont pas juste s’infléchir au contact de l’autre mais plutôt se briser car on ne se construit pas seule si on ne veut pas vivre isolée.
Je dirais que la solitude imposée (enfant unique, rupture amoureuse, isolement géographique…) ne doit être que ponctuelle (lorsqu’on a le choix) lors de la construction de sa vie. C’est une solitude qu’on apprend à aimer et qui permet de limiter sa dépendance sociale et affective, étant aussi hypersensible c’est un très bon exercice.