« C’est fou comme ça passe vite ! »

Depuis plusieurs semaines, une réflexion s’est emparée de mes pensées, c’est celle du rapport au temps. Au temps qui passe, au temps qu’il nous reste, au temps que l’on accorde à telle ou telle partie de notre vie, au temps qui manque. Derrière cette notion de temps, il y aussi l’idée de tempo, de cadence, que l’on donne à notre quotidien, que l’on s’impose ou que l’on subit, dépendant des situations. 

Je crois que c’est en me promenant sur Instagram que cette réflexion autour du temps a germé dans mon esprit. Je me promenais de stories en stories, un peu distraite, comme souvent, quand quelque chose a attiré mon attention : il s’agissait d’une liste, immense, interminable, de « séries vues ces derniers mois ». Il y en avait des dizaines. Certaines, je n’en avais même jamais entendu parler. Et puis, en bas de l’image, il y avait une boîte à questions, invitant les abonnés à suggérer encore, de nouvelles séries ou films à découvrir.

Je ne sais pas pourquoi, ces listes je les voyais défiler sans arrêt, chacun y allait de son petit partage, de son petit palmarès, de sa liste de « check » satisfaisants, mais cette fois-ci, cette liste m’avait sciée en deux. 

Je ne sais pas trop dire pourquoi à ce moment-là en particulier. Peut-être par effet miroir. Cela m’a renvoyée à mes propres dilemmes, à mes propres croyances. À mes différences aussi peut-être. 

En fait, j’avoue secrètement je me suis dit « mais comment font-ils ? ».

Parce que si moi, je devais faire un pas de côté pour analyser avec un peu plus de recul mon propre rapport au temps, j’y apposerais peut-être le mot « fébrilité ».

Moi, j’ai toujours l’impression d’en manquer, de temps. Manquer de temps pour lire. Pour écrire. Pour m’instruire, pour apprendre. Manquer de temps pour eux, pour mes proches. Les appeler, leur écrire des lettres, leur envoyer des fleurs. Leur faire des surprises. Manquer de temps pour apprendre, enfin, à jouer au piano. Ou bien même à en écouter, du piano. Pour lui apprendre à lui, à danser la salsa ou le zouk tiens. Manquer de temps pour me tromper, rater, et recommencer. Manquer de temps pour dormir, longtemps, puis se réveiller, doucement. Manquer de temps pour réfléchir, ne rien faire, penser, m’ennuyer, méditer, divaguer. 

Et puis, alors que ce jour-là, du temps, j’en perds un peu dans le monde du virtuel, je tombe sur cette liste qui vient me narguer. Autant de check qui me questionnent autant qu’ils me désespèrent. 

Alors que l’on expérimente en cette période et pour la toute première fois de notre existence, une vie dénuée de tout loisir, dépouillée, revenue « à l’essentiel », comme diront certains : se nourrir, travailler, dormir ; j’observe une sorte de flou, dans lequel chacun réagit différemment. 

J’observe des besoins exacerbés : celui de braver les interdits, pour retrouver les siens et entretenir un lien social, malgré le danger, celui aussi de faire du sport, qu’il vente ou qu’il neige, comme pour se prouver que l’on garde le contrôle, celui encore de travailler, beaucoup, pour être sûr de survivre dans ce qui deviendra bientôt une arène... quel serait alors le besoin qui se cache derrière toutes ces listes ? 

Un besoin d’évasion ? De divertissement ? De fuite ?

Mais ce sentiment d’évasion est-il encore le même après cet énième épisode, de cette énième saison ? Ou ressentons-nous alors le poids étouffant de notre immobilisme ? 

Je ne sais pas.

Moi, je suis fébrile à l’idée du temps qui passe, ce temps qui, par définition est perdu à jamais. Irrécupérable. J’ai réalisé, avec une lucidité soudaine que véritablement, chaque minute qui passe est une minute que je ne pourrais jamais revivre. Que chaque journée, est une de plus vers la mort, sans vouloir être sinistre. 

Alors, j’avoue que je me mets volontiers la pression quant à la façon dont j’occupe mon temps, dont je convertis cet espace qui m’est donné par la vie pour agir, ou ne pas agir. Alors, pour ne pas tomber dans la dictature de l’action et de la productivité, je me mets en quête de cet sorte équilibre, entre deux systèmes de pensée auxquels je crois : la slow life d’un côté, à condition qu’elle soit vécue en pleine conscience, et la volonté de travailler fort et beaucoup pour mes ambitions. 

Je sais, conclure sur l’idée d’équilibre, c’est facile. Et pourtant, c’est bien là selon moi, le premier pas vers la sérénité.


Garder le cap

9 mois. C’est le temps qu’il m’aura fallu pour faire fonctionner à nouveau ma boussole. 

Alors bien sûr, je suis bien tentée de vous parler de la pandémie, qui est venue s’immiscer dans mes plans, et surtout dans ma tête, pour paralyser parfois mon corps. Mais c’est une émotion à ce point universelle, qu’il n’est pas nécessaire d’y mettre des mots, je crois. 

Je vais plutôt vous parler de ce qu’il m’aura fallu, enfin, pour épurer ma pensée, me délester de mon immobilisme et retrouver mon cap. 

Forcément, je vais vous parler du Pourquoi. Si vous êtes familier du développement personnel, de l’introspection ou de la quête de soi, qu’importe le nom que l’on donne à cette démarche, alors vous savez. Pour les autres, je vais tenter en quelques lignes, de vous en dévoiler l’essence. 

Le Pourquoi, vient d’une notion très simple, qui serait, « au fond, pourquoi fait-on ce que l’on fait dans la vie ? », autrement dit, quel est notre moteur profond, quelle est notre mission de vie. Cette mission, on la trouve généralement après avoir fait un réel travail d’introspection et de vérité vis-à-vis de soi, de ses aspirations, de ses potentiels… et enfin, comme une évidence, on réalise que notre pourquoi, qui se manifestait jusqu’alors comme une intuition, à la voix frêle et timide, qui faisait parfois frissonner notre ventre (le fameux gut feeling…), semble être une évidence, de laquelle on ne peut plus détourner le regard. 

Ce pourquoi, je l’ai trouvé au cours de l’année 2019, qui a été à la fois la plus dure et la plus enrichissante de ma vie. Elle m’a à ce point sortie de ma zone de confort, qu’il m’a fallu partir à la rencontre de moi-même, comme pour me reconnecter avec celle que je n’avais finalement jamais vraiment bien connue, sous les couches et les couches de croyances, de codes et d’ajustements que la société nous amène à embrasser. 

Alors j’ai opéré des changements, je n’ai pas eu d’autres choix que de l’assumer, ce pourquoi. Maintenant que je savais ce qui me plongeait dans cet état de flow, ce qui me permettait de m’épanouir, de me sentir au bon endroit… je ne pouvais plus détourner le regard. 

C’est dans ce contexte qu’est donc né Manyfest.

Et puis dans la vie, il vous arrive d’égarer même les choses les plus précieuses. Même les évidences sont parfois étouffées par le bruit des exigences du quotidien et des doutes. Les boussoles peuvent être égarées, et … comment alors retrouver le bon chemin ? 

Un jour, ma thérapeute m’a donné la métaphore d’une jungle et m’a expliqué que ceux qui choisissent de créer un nouveau chemin, le leur, à travers le brouhaha des arbres et des feuillages, (à l’inverse de ceux qui optent pour le sentier déjà tracé et balisé), prenaient forcément plus de temps, se perdaient parfois, faisait des détours infructueux, revenaient ensuite, déployaient tant d’efforts pour déblayer, couper, repousser… pour trouver, peut-être enfin, leur lieu d’idéal. 

Cette image ne m’a jamais quittée.

J’ai compris que cela faisait partie du processus de réussite (qui ici, incarne la création d’un chemin nouveau), de s’égarer un peu, de tâtonner, de défaire et de réinventer. 

C’est dans l’acceptation de ce processus, que j’ai fait un premier pas vers ma boussole égarée. 

Puis, petit à petit, en faisait de la place pour écouter, en réduisant le bruit (des réseaux sociaux par exemple, des autres, des médias, de mes incertitudes…) mon pourquoi s’est petit à petit fait entendre à nouveau. 

Je me suis notamment souvenue d’un des éléments qui le constitue et qui fait naître chez moi une force d’action incroyable. C’est celui de la responsabilité. Je me suis toujours dit, malgré le bon nombre d’épreuves qui ont été les miennes, que j’avais quand même beaucoup de chance. D’être née où j’étais née, d’avoir eu les parents que j’ai eus, d’avoir eu accès à une éducation si riche, à une ouverture sur le monde, à des moyens financiers, qui m’ont permis de me former, de recommencer, de voyager, de déménager… D’être souvent là où tout se passe, d’avoir accès à des personnes brillantes, à des livres précieux, à des oreilles attentives… 

Et vis-à-vis de tous ces privilèges, j’ai toujours ressenti une volonté très forte de transmettre, une responsabilité de le faire même. Pour tous ceux qui n’ont pas ces espaces, familiaux ou sociaux, de dialogue et de liberté. 

C’est ce qui m’a fait revenir ici. 

C’est ce qui me donne envie de dépasser mes doutes, ma peur d’être imparfaite, ma peur d’être jugée et les diktats (que je m’inflige volontiers) du « fais mieux et plus vite ». 

J’ai retrouvé ma boussole. Elle dysfonctionne encore un peu, me joue des tours, confond parfois le nord et le sud, mais je m’en accommode. Je suis dans cette jungle,  j’avance, à la recherche de mon lieu idéal, à la trajectoire fluctuante et enfin je l’accepte.


Vivre au présent

Je vais commencer cette réflexion sur le présent par quelques considérations qui seront le hors-d’œuvre culturel de mon propos.

D’abord en me référant à un historien (Hartog) qui a montré comment de grandes périodes de civilisation ont choisi des « régimes de temporalité » différents : par exemple l’Antiquité à privilégié l’autorité du passé, de la tradition, alors que l’époque Moderne a accordé sa préférence au futur, source d’action, les projets des hommes étant alors considérés comme une forme de dépassement, de liberté. Notre époque qualifiée parfois de post-moderne serait axée sur le présent, au point que l’on pourrait appeler « présentisme » ce besoin actuel de tout rapporter à notre vécu « ici et maintenant ». Le présent est alors considéré comme le moment  privilégié de l’éveil de la conscience et des choix essentiels.

Prenons maintenant les choses par un autre bout. Nous avons appris au Collège que le temps grammatical du présent avait deux valeurs fondamentales : désigner une action en cours, purement circonstancielle : par exemple en ce moment  j’écris, et vous, vous lisez ; mais le présent désigne aussi une action habituelle, qui serait l’expression de l’être d’une personne : « cet homme dit toujours la vérité », c’est un être véridique, authentique ; cet autre « boit » : c’est un buveur.

Je vais donc essayer de vous faire réfléchir à ce double aspect du présent dans notre manière actuelle de « vivre au présent ».

Partons de l’exemple de Montaigne expliquant que le plaisir de vivre s’identifiait à la plénitude de l’instant vécu : « quand je danse, je danse » ; ce qui rejoint la doctrine épicurienne du carpe diem : « cueille le jour d’aujourd’hui ». Mais malgré la promptitude de la saisie, ce présent se dérobe dans le devenir, comme un fleuve qui reste toujours là, entre ces deux rives, tandis que son eau s’écoule inexorablement. Il y a donc à côté des moments de présent absolu, hors du temps (acmé du plaisir ou du bonheur spirituel, peu importe), des moments où le présent nous donne conscience du passé révolu et de l’avenir possible. Plus exactement, le passé devient « prophétique » en nourrissant nos projets d’avenir, ce qui est notre façon humaine de prendre pied, présentement, dans le devenir.

Savoir régler l’alternance entre ces deux formes du présent pourrait constituer la base d’une sagesse, qui peut se décliner de multiples manières : il y a, par exemple, le contexte qui nous entoure de sa co-présence mais auquel nous accordons une attention flottante (ce bureau silencieux, d’où je vous écris ou ce métro bruyant, d’où peut-être me lisez-vous). Et soudain, dans le champ de ma vue ou de ma conscience le flash émotionnel d’un moment poétique (comme Baudelaire pour « une passante » dont il a croisé le regard… « fugitive beauté dont le regard m’a fait soudainement renaître, ne te verrai-je plus que dans l’éternité ? » ) ; il y a encore ce moment présent où l’on se sent soudainement pleinement en phase avec soi-même, ou dans la ferveur d’une commune présence…et la joie de cet autre présent où l’on s’engage résolument dans une action que l’on sait humainement positive.

Je terminerai mon propos de ce jour (plutôt abstrait, comme tout ce qui a rapport au temps) par une dernière référence « savante » concernant le présent de la parole et de l’écriture, qui serait le modèle de toutes les autres formes de « présent », selon les linguistes : nos paroles ou nos écrits actualisent, rendent présents sous forme d’énoncé (in praesentia !), les possibilités de langage, les virtualités de paroles ou d’écriture contenues dans les ressources lexicales et grammaticales de chaque langue (in absentia !).

Faut-il croire, alors, que le présent puisse naître de l’absence ?


Comment se sentir légitime ?

Non-sentiment de légitimité, syndrome de l’imposteur… ce sont des termes que l’on entend souvent. Quand on y pense ce sont des sentiments assez universels finalement, que l’on a tous ressenti au moins une fois, surtout lorsque l’on a tendance à avoir une approche plutôt « autodidacte » et/ou un profil polyvalent. J’ai même l’impression que c’est un sentiment d’autant plus présent au sein de notre génération (les Y et les Z), qui avons grandi avec les tutos youtube, les formations en ligne, les MOOC, les e-books et qui, in fine avons des trajectoires de vie, notamment sur le plan professionnel, plus sinueuses, en dehors des codes habituels.

Quand dans le modèle précédent, celui de nos parents par exemple, la légitimité avait tendance à s’acquérir par les études ou l’héritage familial, on constate qu’aujourd’hui les choses sont un peu différentes. L’émergence de nouveaux métiers du numérique, qui n’ont pas encore énormément de cadre ou de parcours type, les carrières plurielles faites de reconversions et de formations au long court ou encore les profus dits "slasheurs", font que certains se retrouvent parfois tiraillés par un sentiment d’illégitimité. 

Lorsque j’ai fait Gold Up courant 2019 (un bootcamp pour entrepreneurEs by The Family), j’ai discuté de ce sujet avec le directeur pédagogique de Lion, une école sur l’entrepreneuriat, « qui transmet les outils, techniques et méthodes inédites des entreprises les plus innovantes ». Il m’expliquait que c’était un sentiment, au delà même de la génération, qui se retrouvait beaucoup chez les femmes. Chez Lion, mais aussi chez The Family c’est quelque chose qui, visiblement, se vérifiait très régulièrement. 

C’est à dire que même dans le milieu des startups et de l’entrepreneuriat, qui est déjà une vraie jungle, les femmes partent avec un handicap supplémentaire. Sympa. 

Et puis nous avons continué à discuter, je lui ai parlé de Manyfest, le média que j'ai créé, pour inspirer toute une génération, de ma ligne éditoriale, de mon approche et de ma vision.

Et puis nous sommes revenus à ce sujet de la légitimité, car je pense qu’inconsciemment je cherchais moi-même une validation et une sorte de réassurance sur ma légitimité à lancer ce projet justement. 

Et c’est là qu’il m’a dit quelque chose d’extrêmement juste. 

Il m’a dit : « tu sais, après tout, l’essence de la légitimité c’est l’authenticité. L’honnêteté de la démarche et la faculté à dire, ok, voici ma proposition sur tel ou tel sujet ».

Cette phrase a continué à faire son chemin dans ma tête pendant plusieurs jours. Souvent bloquée par mon sur-perfectionnisme et cette peur paralysante liée au sentiment d'illégitimité, elle avait fait naître chez moi une vraie réflexion.

C’est vrai, quand on y pense, vraiment, qu’est-ce que la légitimité sinon l’honnêteté ? L’honnêteté de s’emparer d’un sujet, d’un projet, d’une entreprise, d’une cause…qu’importe, en assumant le discours suivant : " que je sois expert ou non, voici l’approche que je propose. Voici ma valeur ajoutée. Voici ma proposition."

Ça me semble plutôt évident maintenant, mais il est vrai qu’en abordant cette posture, on se met non seulement à l’abri de ses propres doutes, mais aussi à l’abri des possibles critiques ou jugements d’autrui. On devient quasiment intouchable. Et oui, comment attaquer quelqu’un ou remettre en cause sa légitimité à entreprendre telle ou telle chose, lorsqu’il adopte un discours aussi humble que « je vous propose simplement une option, la mienne, celle qui me ressemble. Vous êtes libre d’y adhérer. »

C’est fou, je n’avais jamais vraiment abordé les choses sous cet angle et tant de fois je me suis laissée gagnée par la peur d’être jugée illégitime.

Conséquence ? l’immobilisme. 

Ça fait du bien de se libérer petit à petit de ce piège. 

Et puis quand on parle de légitimité, il y a un autre point qui me semble important à soulever, et ça pour le coup c’est quelque chose que j’ai appris avec le programme Fais le Bilan de Switch Collective, c’est la notion de « talents ».

Il y a une grande part du programme dédiée à l’introspection (toute la première partie) qui permet de mieux se connaître et de faire le point sur ses valeurs, ses besoins, ses aspirations et puis aussi, ses « super-pouvoirs » ou « talents ». Un véritable exercice d’exploration de soi mais aussi de lucidité : être capable de voir non pas seulement ses faiblesses et points faibles (qu’on nous a mis en lumière depuis tout petits, et sur lesquels on nous a encouragé à travailler afin de les gommer) mais aussi et surtout sur nos points forts.

C’est vrai que, en tous cas en France, on nous a souvent répété qu’il fallait être complet, ne pas avoir de lacunes et travailler fort pour gommer nos points faibles ; plutôt que de chercher à renforcer nos talents. Il faut être « dans la moyenne ». Par exemple, pendant toute ma scolarité, j’ai cherché à me perfectionner en maths alors que je n’aimais pas du tout ça, pour réussir à atteindre un niveau moyen/+, plutôt que de chercher à devenir excellente dans les matières littéraires dans lesquelles j’étais déjà très douée. 

Maintenant que j’ai initié une réflexion sur cette notion de super-pouvoirs, j’avoue que ça me semble absurde d’avoir été invitée à penser de cette façon si longtemps. 

C’est fou à quel point, par peur de paraître arrogant notamment, on ne nous a pas appris à assumer nos préférences et nos talents. À quel point on ne nous a pas appris à dire « je suis douée dans ce domaine, j’aime ce domaine et j’ai une valeur ajoutée à apporter dans ce domaine », sans que ça ne soit perçu comme un trop plein d’assurance. 

Je pense qu’il y a un vrai travail d’état d’esprit à faire là-dessus.

Et ce travail il passe par 3 étapes : 

  1. Mieux se connaître 
  2. Identifier ses talents et super-pouvoirs 
  3. Les assumer

Trois étapes qui, au delà d’aider à trouver sa place dans ce monde, permettent, selon moi, à chacun de s’exprimer en toute liberté et surtout sans toute cette appréhension vis à vis du jugement des autres ou de soi-même sur la légitimité à aborder certains sujets. 

On y revient souvent, mais la liberté d’être soi, pleinement, est peut-être la chose que j’ai le plus envie de vous transmettre (et de me rappeler par la même occasion) avec Manyfest. Alors je vous invite vivement à faire ce petit travail en 3 étapes. 


Naissance d'une nouvelle année

La philosophie nous apprend que l’homme est un être qui vit dans le temps, avec le temps présent, passé et à venir. Et chaque année nouvelle, nous fêtons l’anniversaire du Temps, avec les rites de fin d’année et de nouvel An.

Qu’il s’agisse d’abord d’une donnée de l’astronomie, initialement du point de vue de l’hémisphère Nord (la révolution complète de la terre autour du soleil), l’année renaissant et se revigorant après le solstice d’hiver : quelle joie et quel soulagement de revoir le soleil invaincu remonter à l’horizon et dispenser avec toujours plus d’éclat sa bienveillante lumière ! 

C’est bien une fête de la Nativité (Noël, mot venant du latin natalis, désignant le jour de naissance) symbolisée par la venue au monde des enfants qui viennent renouveler l’humanité, renouveler la face de la terre : repartir à zéro, réinitialiser notre logiciel mental, se ressaisir à neuf à partir d’un terrain vierge des scories du passé… sauver du désenchantement cet esprit d’enfance si précieux !

C’est le moment des vœux, de l’élan optimiste vers le futur, du désir qui nous reconnecte à nous-même. Et ne vous contentez pas de souhaiter la santé et de dire, comme Voltaire « J’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé » !

Le Covid nous a appris que la survie-bio n’était que l’opportunité de partager, d’aimer, de fêter la faveur d’exister parmi les siens, parmi les choses de ce monde. 

Apprécier pleinement le pic émotionnel devant un paysage d’une beauté irréelle, l’état de grâce d’une ambiance fusionnelle (ne serait-ce qu’en regardant à plusieurs une partie de foot devant la télé !), l’apogée de votre élan créatif, la mélodie de votre musique intérieure…pour trouver la « note juste » de chaque moment ! 

Déconfiner le moi à l’étroit dans son ego, le moi qui aspire à franchir allégrement les frontières de sa peau, les frontières de son pays… Quelle est cette euphorie qui vous emporte parfois jusqu’aux quatre coins du grand village du web ? Communiquer, échanger des mots, des idées, des recettes de vie…notre espace commun.

Et puis à chacun de choisir sa manière de marquer l’anniversaire du Temps en optant soit pour l’éternel retour des jours et des plaisirs, comme on aime répéter un refrain, soit pour une marche en avant, dans la romanesque aventure de l’existence, pour aller cueillir les fruits de ses utopies…

On pourrait alors se questionner sur notre rapport au présent, entre les moments d’apogée lumineuse, hors du temps, dans un flow existentiel et le temps de l’action et du devenir, concret, qui nous permet d’aller vers l’avant : la sagesse ne serait-elle pas de faire alterner ces deux modes de relation au Temps, dans un mouvement de pendule, d’éternel rééquilibrage des contraires ?

Bonne et heureuse année 2021 ! 


Vous parler de liberté

Il y a quelques semaines, j’ai fait un atelier d’écriture dont le thème était Marguerite Duras. Immense auteure française dont je connaissais un peu le style, très singulier. Presque parlé, accouché dans l’urgence, et déposé mot après mot avec une fausse simplicité.

J’ai adoré cet atelier. 

L’un des exercices a été d’écrire un texte, dans le style de Duras, à partir d’un mot que l’on avait choisi en début d’atelier au moment de se présenter, sans savoir à quoi il servirait. J’avais été la première à commencer le tour de table. 

« Bonjour à tous ! Je m’appelle Jade, j’ai 26 ans, je suis passionnée par les livres, la littérature, la philosophie, le développement personnel. J’écris depuis toujours, plutôt à l’instinct, sur des carnets ou sur internet… et c’est mon premier atelier d’écriture. Je suis vraiment ravie d’être là ce matin. Alors mon mot… Mmmmh… je dirais, la liberté ». 

Et le tour de table a continué ainsi. Chacun disait en quelques secondes une ébauche de son histoire. Nous invitait à le découvrir via le prisme de ce discours improvisé et des quelques mots que l’on choisi à cet instant T. Nous avions ensuite passé les 2 heures suivantes à faire des exercices de style divers, de création. Jusqu’au moment où il a fallu ressortir ce fameux mot.

« Exercice numéro 3 : Continuez à partir de la phrase ci-dessous, en laissant venir, en laissant l’écriture courir : « Je ne parlais de ça à personne. Votre mot. … »

Et alors là, quelque chose de très intense s’est produit. Nous avions, je crois, une vingtaine de minutes pour réaliser ce texte. J’ai donc attrapé mon ordinateur… et je n’ai pas pu m’arrêter d’écrire pendant 4 ou 5 minutes. Un shoot. Comme si j’avais tant de choses à dire sur ce que je ne disais justement à personne. Comme un secret bien gardé que l’on nous donnait enfin la permission de révéler – avec pour seule contrainte de le dire comme Duras. Une course effrénée, pour ne louper aucun mot, aucune sensation, pour écrire comme on pense. Sans filtre et sans restriction.

Pendant ces 4 ou 5 minutes je n’avais plus conscience de mon environnement. Je n’avais plus de pudeur, ni même de vulnérabilité vis à vis de cette confession. « Je ne parlais de ça à personne » nous invitait à révéler une part de notre intimité et je me suis rarement sentie aussi à l’aise d’y mettre des mots. Comme si en réalité, c’est surtout à moi que ce message était destiné.

Alors j’ai écrit ce texte. Et je l’ai lu à voix haute. Je vous invite à le faire aussi, si vous le pouvez. 

"Je ne parlais de ça à personne. La liberté. Cette volonté de partir. De fuir. De fuir si loin qu’on ne pourrait jamais me retrouver. Je ne parlais de ça à personne, de cette urgence de tout quitter. D’être seule. D’entendre le bruit du vide, de l’absence. De ne rien entendre en fait.

Je suis fatiguée. Je crois. Ou alors effrayée. Peut-être. De me perdre dans ce jeu. Ce jeu de rôle permanent. Usant, énervant, révoltant, agaçant. Qui masque tout. Tout jusqu’à l’oubli. L’oubli de l’identité. L’oubli de la vérité. Alors j’écris. J’écris pour me souvenir. Me souvenir de cette vérité. Cette vérité dérangeante. Elle me permet de m’évader du réel, cette vérité. C’est pas la même chose le réel. Le réel et la vérité c’est pas la même chose. La vérité, elle, s’affranchit de tout. Elle existe c’est tout. Elle est là. Elle ne vous fait pas plaisir. Elle ne vous rassure pas. Ce n’est pas son rôle. D’ailleurs, elle n’a pas de rôle. Elle existe c’est tout. Et bien la liberté c’est la vérité. Sa propre vérité, assumée, criée, montrée aux yeux de tous. Ou alors à ses propres yeux."

En effet, j’ai toujours eu un rapport à la liberté très particulier. 

Un sentiment omniprésent dans mon esprit mais qui s’exprime par élans. Comme de grandes respirations. Un sentiment qui se positionne souvent comme une révolte, une porte de sortie. Autant de respirations difficiles à suivre, forcément, pour ceux qui m’aiment, tout à côté de moi, au quotidien.

Mais aussi pour moi.

J’en ai conscience, mais je n’y peux rien. Quand elle sort, toute puissante de sa tanière, elle est comme un feu de forêt. Elle se propage, intraitable, dans chaque petite partie de mon corps. Elle me crie de sortir, de courir, de partir aussi. De vivre à m’en épuiser. De m’isoler aussi, des miens, dans une course effrénée, parfois vers les autres.

J’ai souvent essayé de comprendre, même d’analyser, ce qui finalement m’apparaît aujourd’hui comme ma nature profonde, maintenant que je me connais un peu mieux. Le défi se mesure donc dans la capacité à accueillir ces élans de liberté, de révolte et à les faire cohabiter avec ce que l’on s’efforce de construire au long court. Parce quand on y pense la vie est à la fois une aventure longue, sinueuse, complexe, qui pourtant ne se fait par définition que d’instants présents. De décisions ponctuelles. Aux conséquences pourtant lointaines parfois. 

J’ai aussi longtemps eu, associé à ce besoin viscéral de liberté, un sentiment de culpabilité. Comme si elle se positionnait toujours contre le reste. Contre les autres. Les autres sentiments, les autres êtres humains qui m’entourent. Un sentiment de culpabilité né aussi - peut-être ? - de ce besoin de conformité. 

Pourquoi je ne réagis pas de la même façon que « la norme » ? Pourquoi ces élans d’anarchie émotionnelle ?

Ce pourquoi j’ai tellement essayé d’y répondre. 10 fois, 100 fois, 1000 fois. À m’en torturer l’esprit. À atterrir sur de véritables questions existentielles. Qui alors, me dépassaient et coupaient tout élan de vie. Paralysie. Angoisses. 

Et puis à force de questionnements, de lectures, d’observation du monde et des autres. J’ai mieux compris ce que ces besoins me hurlaient aux oreilles. J’ai compris que ce sentiment de liberté n’agissait pas contre moi mais pour moi. J’ai compris que me battre contre lui n’était pas la solution mais plutôt le problème. Par continuité, j’ai aussi compris comment faire cohabiter ces deux mondes : celui du temps long, peuplé de ceux que j’aime et qui m’aiment et avec qui je construis mon chemin de vie avec celui du feu et de la fougue. Celui des élans individuels et des passions. 

Comment ? Par le dialogue beaucoup. Ultime moyen d’éprouver l’amour des siens selon moi, et merveilleux outil d’ouverture et de tolérance.

Par l’introspection aussi. Chacun trouvera son outil : la méditation, la lecture, la musique, la thérapie, la sophrologie, le yoga… Qu’importe. Mais définitivement, mieux se connaître est une voie royale vers l’acceptation de ses propres aspérités. De ses propres vérités.

Et puis aussi par la rencontre avec la vie, la vraie. Parce que s’interroger, penser, dialoguer intérieurement… c’est merveilleux mais rien n’est plus significatif que les enseignements qui viennent du courage d’être parti à la rencontre de la vie. De ses événements, de ses surprises, de ses rencontres inattendues, de ses dangers et de ses risques. C’est à mon sens la meilleure façon de trouver les réponses que l’on cherche. En allant vers son risque, sans crainte.

Car même dans le chaos le plus total, restera toujours la flamme de l’amour. L’amour de l’autre, pour ceux qui auront la chance de le croiser sur le chemin, ou l’amour de soi, qui est là, toujours et qu’il est essentiel de ne pas bafouer tout au long du chemin.